C'est bien moins sexy que Sim City mais les internautes adorent. En proposant un moteur de simulation fiscale sur Internet associé à leur ouvrage Pour une révolution fiscale, ses auteurs de ne se doutaient pas que des centaines de milliers de Français se prendraient au jeu. Les économistes Camille Landais, Thomas Piketty et Emmanuel Saez y proposent un nouvel impôt sur le revenu "pour le 21e siècle". Guillaume Saint-Jacques, économiste et étudiant à l'ENS Ulm, a conçu pour eux le fameux simulateur qui permet à chacun de faire sa propre "révolution fiscale" sur Internet en élaborant son impôt à la carte (tranches, taux d'imposition...). Il revient pour TF1 News sur le succès de cet outil et sa philosophie.
TF1 News : Votre outil - qui permet de faire sa propre "révolution fiscale" - cartonne sur Internet. A quel point?
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Guillaume Saint-Jacques, économiste |
Guillaume Saint-Jacques, économiste : Nous avons déjà fait 280.000 simulations depuis le 20 janvier et cela continue au rythme de 20.000 par jour, pour un peu moins de 150.000 visiteurs. Le succès a d'ailleurs été compliqué à gérer : nous sommes partis sur un seul serveur au début avant d'en rajouter huit dans la nuit du mercredi au jeudi tellement il y avait de demandes... On n'exclut pas d'arriver jusqu'à un million, l'objectif étant surtout de peser dans le débat politique. Cela nous fait bien sûr très plaisir : la démocratie est un des grands axes de ce livre et ce moteur était un moyen pour que tout le monde ait accès au débat fiscal. Et c'est une première mondiale.
TF1 News : Comment expliquez-vous un tel succès?
G. S. - J. : Fondamentalement, cela correspondait à une demande : les gens veulent mieux comprendre la fiscalité et s'exprimer sur le débat. La façon, dont on finance l'Etat et la Sécurité sociale nous intéresse tous. Qui paye quoi? Qui finance quoi? Les riches paient-ils vraiment plus que les pauvres ou est-ce l'inverse? On observe d'ailleurs que les gens reviennent, réfléchissent, font évoluer leur première simulation. Il y a aussi eu l'exposition médiatique et le buzz via Facebook ou Twitter qui nous amène des milliers d'internautes par jour.
TF1 News : Le "produit d'appel", c'est cet outil qui permet de comparer son salaire au reste de la population...
G. S. - J. : C'est en effet la grosse attraction, cela permet de savoir où l'on se trouve en termes de revenus et de patrimoine par rapport à la population française dans son ensemble. Un des auteurs, Emmanuel Saez a eu cette idée en discutant avec sa famille... Les gens passent ensuite à l'outil de simulation fiscale. Ils utilisent d'ailleurs davantage celui basé sur l'impôt que nous proposons dans le livre, pour l'avenir, que celui qui existe actuellement. C'est encourageant mais c'est sans doute aussi parce que l'impôt sur le revenu existant est très compliqué et plus long à calculer !
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"Faire payer les très riches n'est pas franchement une idée d'extrême gauche!" |
TF1 News : Ce livre a plutôt une sensibilité de gauche (NDLR : Thomas Piketty a été conseiller économique de Ségolène Royal). Les internautes du site aussi ?
G. S. - J. : Le livre est un manifeste pour un impôt plus simple et avec moins de niches. S'agissant du barème pour chaque tranche de revenus, les auteurs sont ouverts. Ils en proposent cinq, de "l'ultralibéral" au plus égalitaire. Certes, la théorie du livre de faire un impôt réellement progressif est plutôt de gauche, mais on peut considérer que faire payer les très riches proportionnellement autant que les pauvres n'est pas franchement une idée d'extrême gauche ! C'est un minimum et cela n'est pas particulièrement partisan. Avec la réforme que nous proposons, 97% des Français paieraient moins d'impôts car c'est proportionnellement les très hauts revenus qui en payent le moins. Dans le simulateur, on peut d'ailleurs choisir une "flat tax", où riches comme pauvres payent la même chose : 13% de leurs revenus. Vu les mails que l'on reçoit, il n'y a en tout cas pas que des internautes de gauche !
TF1 News : Et chacun ne simule-t-il pas un système pour se favoriser soi-même?
G. S. - J. : Pas forcement, car notre système prévoit de supprimer toutes les niches fiscales et donc les cas particuliers. Quand vous "aménagez" l'impôt sur votre tranche de revenus, des millions de Français sont impactés. Lorsque l'on réalise que tout le monde fait un effort, que l'impôt est juste et qu'on le comprend, il devient d'ailleurs plus acceptable pour tous...
TF1 News : Qu'est-ce que votre outil va changer ? C'est une boite à idées pour la gauche en 2012?
G. S. - J. : Pour la gauche ou pour la droite ! Le plus important c'est qu'il clarifie le débats. Avant, le ministère de Finances avait en quelque sorte le monopole des données. Désormais, chacun - député, chef de parti ou internaute lambda - peut faire sa propre simulation grâce aux données très précises des auteurs qui utilisent 800 000 individus fictifs. Les députés sont contents de pouvoir enfin simuler les réformes eux-mêmes. Les partis politiques sont interpellés et souvent pas encore prêts à prendre position , mais cela permettra que l'on ait un débat posé pour 2012. Notre outil pourra d'ailleurs être maintenu pour mieux parler d'économie dans le débat politique avec des éléments chiffrés et vérifiables. Nous réfléchissons à des déclinaisons.
TF1 News : A votre tour de vous mouiller ! Quel barème a votre préférence?
G. S. - J. : Je trouve que notre version "zéro", le barème central, est bien car elle favorise la grande majorité des Français. C'est un objectif minimal que les plus riches payent - proportionnellement à leur revenu - autant que les plus pauvres!
Le simulateur et toutes les explications dans le détail sont à retrouver sur le site : Pour une révolution fiscale