Propositions du PS sur la fiscalité : l'explication de Thomas Piketty, le Nouvel Observateur, 4 avril 2011

Parmi ses vingt propositions pour 2012, le Parti socialiste évoque la création d'un impôt unique prélevé à la source et résultant de la fusion de l'impôt sur le revenu et de la CSG. Interview de Thomas Piketty, l'économiste qui inspire les socialistes.

Quel est l'intérêt de fusionner la CSG et l'impôt sur le revenu

- Aujourd'hui, l'impôt sur le revenu est très injuste et inefficace. Son taux théorique est parfois très élevé (41%), mais il est rendu inefficace par les niches fiscales. Au final, il rapporte deux fois moins que la CSG, notamment parce que les revenus les plus hauts y échappent. La CSG, prélevée à la source, a une assiette large. C'est un impôt efficace dans son fonctionnement, mais non progressif. Dans notre livre ("Pour une révolution fiscale", écrit avec Camille Landais et Emmanuel Saez), ce que nous proposons est de créer un impôt unique qui aurait la progressivité de l'impôt sur le revenu et qui serait prélevé à la source comme la CSG. On aurait un système plus simple et plus juste.

A quoi sert le prélèvement à la source ?

- Il ne dispense pas de déclaration de revenus, mais il simplifie considérablement la vie des gens. Actuellement, si vous êtes au SMIC, on vous prélève environ un mois de salaire au titre de la CSG (8% de 1 350 euros bruts, cela fait tout de même plus de 100 euros de moins par mois), puis on vous en rembourse entre la moitié et les trois quarts l'année d'après grâce à la prime pour l'emploi. Dans notre livre et sur le site www.revolution-fiscale.fr, nous montrons qu'il est possible de remplacer la CSG, l'impôt sur le revenu et la prime pour l'emploi par un barème unique, prélevé à la source, avec un taux de 2% au niveau du SMIC. Cette réforme permettra une forte hausse du salaire directe pour les 8 millions de salariés qui touchent actuellement la prime pour l'emploi. C'est plus satisfaisant que de recevoir un chèque : les travailleurs modestes sont des contribuables, pas des assistés.

Jérôme Cahuzac a émis quelques réserves sur la mise en place de cette réforme. Est-ce compliqué?

- En ce qui concerne le prélèvement à la source, c'est relativement simple. De nombreux pays l'ont fait. Si on veut le mettre en place en janvier 2013, il suffit de commencer à prélever à cette date, et de supprimer le paiement de l'impôt sur les revenus de 2012. Il faut juste veiller à ce que les personnes qui touchent des revenus très importants (des bonus par exemple) en 2012, paient une taxe correctrice.

De façon générale, je pense que si on ne fait pas la réforme dès 2012, alors il y a un grand risque qu'on ne la fasse pas du tout. Dans notre livre, nous démontrons que, bien que ce soit une préoccupation légitime, il est possible de supprimer le quotient conjugal sans avoir de problème pour les foyers modestes. Nous montrons que jusqu'à 6.000 euros de revenu brut mensuel individuel, 90% des contribuables ressortent gagnants de la réforme.

Jérôme Cahuzac parle de faire la réforme en plusieurs étapes en 2012, 2013 etc. Pourquoi pas, mais il faudrait être plus précis sur le calendrier. La fusion de l'impôt sur le revenu et de la CSG sera-t-elle totalement en place en 2014 ? en 2017 ? C'est un peu embêtant d'annoncer une telle fusion si en fait on s'apprête à conserver deux impôts distincts pendant toute la durée du quinquennat !

Interview de Thomas Piketty, directeur d'études à l'EHESS, professeur à l'Ecole d'économie de Paris, recueillis par Donald Hebert - Nouvelobs.com

Thomas Piketty a co-écrit "Pour une révolution fiscale", publié dans la collection La République des Idées, au Seuil.